Hair me

Qu’ils soient courts ou longs, ornementés ou faussement acquis à une remise de peine, jachère sagement étudiée, qu’ils courent le long de notre expressivité ovoïdale ou qu’ils feignent de la délivrer : ils sont nous, avant toute autre chose.

Autrefois c’est aux souliers que revenait l’apanage psychomorphe.

Aujourd’hui, nos cheveux ont pris le dessus.

Nos cheveux ont pris la main.

Notre parure animale en dit long sur ce que nous voulons dire de nous.

Pour nous asseoir à la portée des autres, encore faut-il que la brise soit légère et le peigne à portée de main.

La chevelure est le dernier vestige d’intimité qui subsiste en deça du moi social.

Une main qui la reprend, et c’est toute notre pantomine que nous faisons mentir.

Si nous le valons bien, cet insignifiant insaisissable auquel nous tiendrions tant, c’est à nos cheveux que nous le rendons, tout autant.

 

Facebook ou la condition infiniment présente

Echos

Facebook offre la possibilité de conjuguer tous nos « moi » au présent selon un pré requis de sociabilité.

La possibilité de faire exister en un même temps et même espace toutes les vies que nous avons menées, toutes les potentialités auxquelles nous espérons pouvoir livrer un sort dogmatique. La possibilité de conjurer notre « soi » dans sa condition la plus immédiate.

Facebook, c’est faire tenir ensemble toutes ces figures qui en disent long sur ce que nous avons cru être un moment donné. Sur ce que nous croyons avoir été. C’est ramener sur la surface plane et lumineuse de l’écran social tous les indices de soi, supportés par la figure des autres qui n’existent que pour rendre les couleurs manquantes à notre portrait des Danaïdes.

Facebook, c’est l’occasion de modéliser notre vie sociale à la parfaite manière d’un égotiste dépossédé.

Facebook, c’est refuser de choisir.

Facebook, ce sont des vies tracées dans des affectivités qui nous désignent sans jamais résonner de nous.

Facebook, c’est la croyance en le fait de pouvoir tout faire tenir ensemble.

Facebook, c’est faire tenir le temps, l’espace et le soi dans une familiarité étrangère, dont l’ultime condition serait les autres, rendus au même sort.

Vous allez manquer à vos contacts

Les routes pavées sont des chemins semés d’embuche.

Avant Facebook, avant la grande cartographie hystérique de nos vies sociales, il y avait un halo de souvenirs vaporeux qui tenait à l’écart toutes les vies contenues dans une.

Avant Facebook, les amis de nos amis n’étaient pas nos amis.

Avant Facebook, nos amis étaient nos amis.

L’ouverture de ce blog correspond au curseur de ma mort sociale.

Elle répond au désir de parcourir l’actualité à rebrousse chemin, en s’extirpant des matrices infiniment ingénieuses, communément polymorphes, du personal branding.

Elle répond au désir de rencontrer des idées…

Et de fuir des soi en ruine.

Ryoji Ikeda, installation V≠L, installation V≠L,2008